Trio chorégraphié pour deux danseuses et une comédienne
L’inconnue de la Seine, photographie de Man Ray pour Aurélien d’Aragon
La création revisite l’aventure de « l’inconnue de la seine ». C’est l’histoire d’une jeune femme qui fut retrouvée noyée à Paris, dans la seine, à la fin du 19° siècle.
Personnage aussi captivant qu’énigmatique, sa beauté fascinante lui valut « l’honneur » d’un masque mortuaire en plâtre, reproduit à des milliers d’exemplaires et aujourd’hui toujours disponible. Vraie noyée, ou faux fabriqué par un mouleur astucieux à partir d’un modèle vivant ? Autour de celle que l’on appela aussi « la vierge du canal de l’Ourcq » (car même le lieu de la découverte reste mystérieux) s’est édifiée une légende.
J’ai longtemps pensé que les contes étaient essentiellement emplis de morales clouant nos désirs à des us et coutumes révolus. Quelques rencontres plus tard, et différents travaux m’ont permis de découvrir comment le conte devient expérience à celui qui le dit et à celui qui l’écoute.
Cette légende traitée comme un « conte contemporain » offre ici matière à développement chorégraphique. Par nos danses et paroles, la vie de cette femme sans passé et sans regard est complétée, reconstruite, réinventée. On ne peut imaginer que ce qui est absent: son âge, son nom, son surnom, sa vie, ses déconvenues amoureuses, le lieu de sa mort et même sa vie après la mort ?
Dans son étude sur l’eau et les rêves, Bachelard a analysé l’interprétation poétique de ce fait de société : « L’image synthétique de l’eau, de la femme et de la mort ne peut pas se disperser », affirme-t-il, « un mot des eaux, un seul, suffit pour désigner l’image profonde d’Ophélie ». Les yeux clos et les lèvres qui ont « l’air de sourire et de souffrir » du Masque de la noyée n’auraient pu suffire à lui assurer le succès auprès d’un large public, et c’est par son histoire qui l’associe à Ophélie aussi bien qu’à Ondine, que ce simple objet de plâtre se trouve transformé en matériau de légende.
Les interprètes, ensemble, ou en alternance sont moteurs de propositions parlées et dansées. Dans un jeu d’évocation, elles sont tour à tour pivot de l’action, insufflant des modifications de places, d’orientations, d’énergie, de temps. Ces qualités de mouvements et de paroles transforment, altèrent, diffèrent les interprétations des deux autres et les relations au sein du trio. J’ai choisi trois jeunes interprètes pour cette chorégraphie : deux danseuses qui se sont investies avec générosité et inventivité dans les derniers travaux de la compagnie ; une comédienne que j’ai appréciée dans plusieurs pièces, à l’aise dans le mouvement et sachant défendre des textes rigoureux ou ludiques, classiques ou contemporains.
La composition sonore de Térence Meunier, électroacousticien, oscille entre un travail musical, fait de matières et de rythmes, et une mise en espace de sons plus « reconnaissables », contribuant à l’architecture et à la scénographie de la pièce.
Sylvie Giron, novembre 2013
Distribution
Chorégraphie : Sylvie Giron
Musique : Terence Meunier
Lumières : Nicolas Buisson
Interprètes : Charlotte Belec, Olivia Caillaud, Alice Glandier
Travaux d’ateliers textes: Jean-Charles Di Zazzo
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Production : Compagnie Balades avec le soutien du CG26 et de la ville de Romans
Remerciements au CND de Lyon, à Romans Scènes (résidence au théâtre de La Presle), à la compagnie Propos à Lyon et à Nouvelles Planches (Romans) pour les accueils studio